Bienvenue à notre interview du Pr. Elie Azria, chef de service d’obstétrique et coordinateur de la Maternité Notre-Dame de Bon Secours. Dans cet entretien, le Pr. Azria nous présentera les spécificités de sa maternité. Il nous parlera également des pathologies prises en charge, des avancées médicales dans le domaine de l’obstétrique, des moyens technologiques et humains mis en place pour assurer des soins de haute qualité, ainsi que des projets phares à soutenir pour améliorer les soins et traitements offerts aux patients.
Pouvez-vous nous présenter votre service ?
Il s’agit de la Maternité Notre-Dame de Bon Secours, qui appartient aux Hôpitaux Saint-Joseph & Marie-Lannelongue. C’est une maternité de type 2B, c’est-à-dire qui dispose sur site de ressources en pédiatrie et néonatalogie, permettant d’accueillir des futures mamans avec des grossesses à risque, en particulier accouchement prématuré ou de bébés avec de petits poids de naissance dans la mesure où ces bébés pourront être pris en charge par nos collègues pédiatres en néonatologie avec des possibilités d’hospitalisation sur site puisqu’on a une unité de soins intensifs néonat sur place, ainsi qu’un service de néonatologie et une unité mère-enfant quand il y a des besoins d’hospitalisation mais pas d’une surveillance intensive, permettant ainsi d’éviter les séparations mère-enfant puisque mère et enfant sont hospitalisés en même temps.
“Nous pouvons donc nous adresser des femmes d’autres centres périnataux en cas de pathologies mais nous avons aussi un rôle extrêmement important […] de maternité de proximité […]”
Du fait de ce type 2B, on joue un rôle de maternité de recours. Nous pouvons donc nous adresser des femmes d’autres centres périnataux en cas de pathologies mais nous avons aussi un rôle extrêmement important, et qui représente une grande part de notre activité, de maternité de proximité pour également des femmes à grossesse à bas risque du secteur (sud de Paris, la banlieue sud mais cela peut être plus large).
Quant à la capacité d’accueil, elle se régule avec un système d’inscription, comme la plupart des maternités parisiennes, afin que les femmes puissent accoucher dans de bonnes conditions, qu’elles aient une chambre à disposition après l’accouchement. Il faut aussi faire en sorte que nous n’ayons pas d’afflux massif en salle de naissances pouvant compromettre la sécurité des soins. Quand l’activité le permet, nous pouvons accueillir des femmes d’autres maternités, qui pourraient avoir des difficultés de place.
“c’est une maternité […] avec des possibilités variées d’accompagnement des femmes au cours de la grossesse”
Concernant l’activité de la maternité, c’est une maternité dans laquelle nous avons un peu moins de 3 000 naissances par an, avec des possibilités variées d’accompagnement des femmes au cours de la grossesse : elles peuvent être suivies sur site ou en ville et nous les revoyons à la fin de grossesse.
Nous avons des parcours qu’on essaie d’adapter au plus près des besoins des femmes, suivre en interne les femmes qui ont des facteurs de risques, reprendre les femmes au 3e trimestre lorsqu’il n’y a pas de facteur de risque et qu’elles peuvent être suivies par des professionnels en ville, … Nous essayons également de répondre à des enjeux de juste médicalisation des soins, c’est-à-dire avoir des parcours aussi proches que possible de la physiologie quand c’est possible.
Quelles pathologies peuvent être prises en charge ?
La plupart des femmes que nous prenons en charge n’ont pas de pathologies.
Nous pouvons être amenés à voir et à prendre en charge des femmes qui vont avoir des pathologies préexistantes à la grossesse et qui peuvent avoir des répercussions sur la grossesse ou pour lesquelles la grossesse peut avoir des répercussions sur les pathologies.
Les pathologies sont en général chroniques (diabète, maladies neurologiques type sclérose en plaques, pathologies cardiovasculaires comme l’hypertension artérielle, l’anomalie cardiaque, …).
Cela peut être aussi des pathologies thyroïdiennes qui sont très fréquentes, des troubles neurologiques tels que l’épilepsie, pathologies psychiatriques, … Au sein de la maternité, nous travaillons avec une équipe de psychiatres et de psychologues, ce qui nous permet d’accueillir des femmes ayant des troubles de l’humeur, des pathologies dépressives, des troubles bipolaires, psychotiques.
Nous avons également des femmes qui vont développer des complications de la grossesse : menaces d’accouchement prématuré, des risques de pré-éclampsie, des anomalies de croissance foetales, … pour les plus fréquentes, menant à une surveillance particulière et des soins spécifiques.
Quelles sont les avancées médicales récentes et nouvelles techniques que vous mettez en place pour améliorer le diagnostic et le traitement des patients dans votre spécialité ?
En obstétrique, nous avons les techniques de diagnostic anténatal, notamment avec l’amélioration des capacités des échographes.
Nous avons la chance de pouvoir être équipé avec des modèles d’échographes très avancés.
D’un point de vue d’un point de vue technologique, mais également dans le champ du diagnostic anténatal, nous avons toutes les techniques de génétique, toutes les approches moléculaires qui permettent d’avancer dans le dépistage et le diagnostic anténatal.
De plus, il y a des innovations organisationnelles, avec de nombreux dispositifs visant à limiter les hospitalisations, que ce soit en prénatal ou en postnatal avec des dispositifs de surveillance ambulatoire, d’hospitalisation à domicile qui vont nous permettre de faire évoluer les parcours de soins et d’avoir des parcours moins “hôpito-centré”, en en laissant les femmes enceintes et les jeunes mamans autant que possible à domicile où elles sont en général mieux qu’à l’hôpital.
Bien-sûr ces pratiques sont implémentées dans nos prises en charge, et seront proposées aux femmes pour lesquelles il y a une indication.
Pouvez-vous nous parler des équipements médicaux et des installations de pointe que votre hôpital met à disposition pour assurer des soins de haute qualité, notamment pour les pathologies complexes ?
Nous avons la chance d’être une maternité dans un hôpital général, c’est-à-dire que nous bénéficions aussi des plateaux techniques et moyens humains de celui-ci, ce qui induit la présence de compétences humaines utiles à la prise en charge des femmes ayant des pathologies soit chroniques soit qui surviennent pendant la grossesse.
A ce titre, nous disposons :
- de l’expertise et de la haute technicité de la réanimation adulte,
- d’un plateau de radiologie Interventionnelle avec des radiologues interventionnelles qui peuvent intervenir notamment en cas de d’hémorragie du post-partum sévère,
- du bloc chirurgical permettant les prises en charge. Nous avons un bloc spécifique à la maternité, qui est un bloc obstétrical présent dans la salle de naissance.
Voilà pour les ressources qui sont des ressources “mutualisées” au sein de l’hôpital, qui nous permettent d’orienter notre activité vers des pathologies maternelles.
Quels sont les moyens qui caractérisent votre hôpital et qui contribuent à offrir un environnement propice au rétablissement et au bien-être des patients ?
Nous mettons beaucoup l’accent sur des valeurs fondatrices et la formation des équipes soignantes.
“Il y a une attention permanente à la santé dans son sens large, incluant bien évidemment le bien-être de nos patients, ainsi que leur autonomie […]”
Il y a une attention permanente à la santé dans son sens large, incluant bien évidemment le bien-être de nos patients, ainsi que leur autonomie, ce qui fait que nous avons beaucoup travaillé nos organisations autour de ces sujets.
La prise en charge se veut assez globale, qui n’est pas que centré sur la santé somatique, et qui prend en compte le bien-être, les rythmes individuels, la capacité de positionnement de nos patients, des couples qu’on accompagne.
A ce propos, nous avons obtenu récemment le label IHAB (Initiative Hôpital Ami des Bébés), qui valorise tout ce qui permet la mise en place de l’allaitement maternel ou des cours de la naissance.
Mais au-delà de cela, c’est un un label qui a vraiment pour fonction de nous amener à repenser nos organisations pour qu’elles soient tournées vraiment sur les rythmes maternels et les rythmes des nouveaux nés.
Obtenir ce label est un travail de plusieurs années, mais qui ne s’arrête pas avec l’obtention de celui-ci. Nous continuons à repenser en permanence nos organisations pour être au plus proche des besoins individuels et des couples, des femmes et des bébés.
Dans la perspective d’une collecte de dons, quel est le projet phare à soutenir et qui pourrait contribuer à l’amélioration des soins et des traitements pour vos patients ?
Il y a plusieurs projets, plusieurs champs sur lesquels nous sommes très impliqués.
“Ces inégalités sociales peuvent se traduire en inégalités sociales de santé, y compris dans le champ de la grossesse […]”
Il y a des inégalités sociales dans notre société, qui font que certaines femmes se retrouvent loin des soins ou n’ont pas accès aux mêmes ressources en termes de soins que les autres. Ces inégalités sociales peuvent se traduire en inégalités sociales de santé, y compris dans le champ de la grossesse avec : des inégalités sociales de santé maternelle, plus de morbidité sévère, plus de mortalité (même maternelle chez les femmes), … Cette inégalité est également visible en santé périnatale avec plus de prématurité, plus de petits poids de naissance. Les enfants naissant dans des conditions sociales dégradées par rapport aux autres peuvent donc avoir eux-mêmes des conditions de santé dégradées par rapport aux autres.
Nous avons mis un certain nombre de systèmes en place, permettant de dépister le plus tôt possible les vulnérabilités psychosociales pour accompagner au mieux ces mamans pendant la grossesse, les bébés, les couples afin d’essayer de mitiger au maximum le stress social et éviter qu’il n’y ait trop de conséquence d’un point de vue sanitaire.
C’est vraiment une action pour laquelle les soutiens sont les bienvenus parce que cela mobilise beaucoup de temps humain, d’énergie et donc de moyens.
Par ailleurs, on travaille aussi au développement de d’innovations technologiques pour pour améliorer la santé des femmes en particulier.
Nous avons développé un dispositif médical destiné à quantifier en temps réel les pertes sanguines après un accouchement, et dont on pense qu’il pourrait permettre de rendre plus rapide le diagnostic de l’hémorragie du post-partum, qui tue le plus de femmes à l’échelle planétaire. Ce n’est pas la première cause de mortalité en France mais ça reste une cause de mortalité qui est une cause de mort évitable.
Nous travaillons en partenariat avec un laboratoire Inserm et l’Université de Paris Cité à cette question.
En nous permettant de dépister plus précocement cette hémorragie du post-partum, cela nous permettra de la prendre plus précocement pour en réduire les conséquences. C’est donc un enjeu de de santé individuelle, mais aussi un enjeu de santé publique.
Les différentes phases de de de construction d’un tel dispositif, puis son évaluation coûte cher. Nous sommes donc en recherche de soutien.